samedi 13 mars 2010

VitaminesArts 07 - 11/04

Michel CLEEMPOEL




“Le rayon de soleil est entré soudain pour moi, qui soudain l’ai vu... Minute après minute, j’ai suivi l’effet insensible de la pénétration du soleil dans le bureau paisible... Occupation digne d’une prison ! Seuls les captifs regardent ainsi le soleil bouger, comme on regarde bouger les fourmis.   ”Fernando PessoaLe livre de l’intranquilité. La lumière, à toutes les époques et dans les civilisations les plus diverses, est en rapport avec le temps (l’alternance du jour et de la nuit, la hauteur et l’intensité du soleil, les phases de la lune, la position des étoiles,...). Depuis Einstein, nous savons que la lumière est la seule mesure exacte du temps. Actuellement, la lumière solaire cyclique fait place à la brillance artificielle et constante du néon et des écrans. Transcrire des traces identifiables de lumière me permet de rendre sensible l’écoulement du temps.

Notre ombre est la première image de nous-mêmes que nous percevions. Elle nous accompagne, fugace, discrète mais fidèle, jusque dans la mort. Ainsi, chez les Indiens du Nord Canadien, lors d’un décès, l’ombre et l’âme se    séparent du corps, mais seule l’ombre demeure à proximité de la tombe. Dans un grand nombre de langues indiennes d’Amérique du Sud, le même mot signifie ombre, âme, image. En captant et fixant nos ombres, je tente peut-être de tirer le portrait de notre double obscur.

Un mur est une surface sur laquelle, parfois, on accroche des tableaux mais où, en permanence, glissent des ombres. Grâce à des techniques simples, je les inscris sur le papier. Je pose le papier sur le mur. Le mur soutient sa propre image. Mais vouloir fixer la lumière est un leurre (autant prétendre arrêter le temps). Aussi je vois ces images comme des fragments d’instants, des souvenirs reconstitués, des réminiscences incertaines. Elles forment une chronique fictive qui me confirme, sans me certifier, dans l’existence.

Impressions numériques, cd-rom interactifs, réseau internet, j’éprouve un plaisir supplémentaire à employer ces techniques contemporaines, généralement associées aux notions de vitesse et d’efficacité, pour créer des images privilégiant un regard contemplatif et lent. A l’époque de la démultiplication à l’infini de l’image et de sa transmissibilité à la vitesse de la lumière, j’aime représenter des moments fragiles, uniques, semblant voués à disparaître la seconde d’après.

Michel Cleempoel